Ce que la loi prévoit
La flexibilité du travail est au cœur des préoccupations sociales actuelles. Le télétravail lui a volé la vedette mais la question de la mobilité géographique des salariés n’est pas nouvelle.
Pour rappel, une clause de mobilité est une obligation contractuelle par laquelle un salarié accepte par anticipation la modification de son lieu de travail sur demande de son employeur, dans une zone géographique qui doit être précisément définie par le contrat de travail.
Dans un arrêt du 28 juin 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur les conditions dans lesquelles un employeur pouvait actionner la clause de mobilité stipulée dans le contrat de travail d’un de ses collaborateurs pour le muter géographiquement, et sur la possibilité pour lui de licencier le salarié en cas de refus de la proposition de mobilité.
Dans les faits qu’est-ce que ça donne ?
Une société de construction entendait muter à Cuba, au Nigeria ou en Algérie, un de ses ingénieurs qui avait une clause de mobilité dans son contrat de travail, et ce, en raison des besoins opérationnels de l’entreprise.
Le salarié refusait cette proposition de mutation au motif de l’existence de contraintes familiales excessives, notamment en matière de scolarisation de ses enfants.
Il a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison de son refus de la proposition de mutation à l’étranger.
En appel, le salarié a été débouté de ses demandes indemnitaires par la Cour de Versailles, celle-ci n’ayant procédé qu’à un examen de la clause contractuelle de mobilité en elle-même, laquelle a été jugée valable puisque remplissant les conditions habituelles : la clause de mobilité doit être écrite et mentionner précisément la zone géographique dans laquelle elle s’applique.
Cependant, la Cour d’appel de Versailles a omis d’examiner, en sus de la validité de la clause contractuelle, si la mise en œuvre de la clause contractuelle portait une atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale et si l’employeur prouvait que cette atteinte était justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui n’a pas caractérisé l’existence ou non d’atteintes à la vie personnelle et familiale du salarié, et renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Versailles autrement composée.
Compte tenu de cette nouvelle précision de la jurisprudence, les employeurs ne peuvent plus fonder un licenciement sur le simple refus de mutation du salarié, mais ils doivent s’interroger préalablement et, in concreto, sur les conséquences de la mutation sur la vie personnelle et familiale du salarié.
Ce sont autant d’informations personnelles relevant de la vie privée du salarié sur sa situation de famille, sa santé et son mode de vie, qui devront être communiquées à l’employeur pour qu’il puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause. La jurisprudence de la Cour de cassation a de beaux jours devant elle !