Selfie, chien et ascenseur : le combo qui ne paie pas en droit d’auteur

Les réseaux sociaux sont devenus le terrain de jeu favori des influenceurs, où ils partagent avec leur communauté des moments de vie, des looks tendance et parfois, des selfies réalisés dans des endroits insolites tels que des ascenseurs. Cependant, cette pratique peut susciter des controverses, comme en témoigne l’affaire opposant une influenceuse à la société de prêt-à-porter Maje.

Une influenceuse, qui réalise des stories (clichés éphémères sur Instagram) dans des ascenseurs, reproche à Maje d’avoir utilisé une campagne publicitaire qui, selon elle, imite ses selfies. Après une mise en demeure restée sans réponse, elle décide d’assigner Maje devant le Tribunal Judiciaire de Paris pour contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale et parasitaire.

Dans un premier temps, l’influenceuse obtient gain de cause en ce qui concerne les actes de parasitisme, et Maje est condamnée à lui verser une indemnisation de 5.000 €. Cependant, la demande relative au droit d’auteur est rejetée. Insatisfaites du jugement du 13 août 2021, les deux parties portent l’affaire en appel devant la Cour d’appel de Paris.

Dans son arrêt du 12 mai 2023 accessible ici, la Cour d’appel rappelle que seul l’auteur de l’œuvre peut identifier les éléments traduisant sa personnalité au titre de l’originalité d’une œuvre. Une telle originalité doit être appréciée globalement, démontrant ainsi l’effort créatif et le parti pris esthétique reflétant la personnalité de l’auteur.

Pour rejeter la revendication de droit d’auteur, la Cour estime que l’influenceuse n’a pas apporté la preuve qu’elle a effectué tous les réglages nécessaires, tels que la luminosité et les contrastes, considérant que le cliché se limite à reproduire l’éclairage artificiel de l’ascenseur.

Par ailleurs, la Cour relève que de nombreux influenceurs ont déjà utilisé la technique de se mettre en scène dans un ascenseur accompagné d’un chien. Ainsi, les choix effectués par l’influenceuse ne sont pas considérés comme originaux, car ils ont déjà été adoptés par d’autres influenceurs avant elle. Le simple rituel quotidien de se prendre en photo et de publier une story sur Instagram ne suffit pas à caractériser l’originalité de la photographie.

Concernant la concurrence déloyale et parasitaire, la Cour rappelle le principe de liberté du commerce qui autorise la reproduction et la commercialisation d’un produit dénué de droits privatifs, à moins que cela ne crée un risque de confusion dans l’esprit du public. Pour rejeter toute concurrence déloyale, la Cour considère que les éléments repris par Maje correspondent à la tendance du moment et ne sont pas le résultat d’un comportement déloyal.

En outre, la notoriété limitée de l’influenceuse est prise en compte, démontrant qu’il n’y avait pas d’intention de créer un risque de confusion chez les consommateurs par Maje. L’influenceuse échoue également à prouver que Maje a tiré profit de son savoir-faire ou de ses investissements liés au cliché litigieux, entraînant le rejet de sa demande au titre des agissements parasitaires.

Enfin, la Cour condamne l’influenceuse à verser à Maje la somme de 10.000 € pour couvrir les frais de procédure en première instance et en appel.

En conclusion, cette affaire nous rappelle l’importance de la démonstration tant dans la revendication de droits d’auteur que dans l’accusation de concurrence déloyale ou de parasitisme.

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