Comment obtenir la levée d’anonymat d’un cyberharceleur sur les réseaux sociaux ? Une récente ordonnance du Tribunal Judiciaire de Paris vient l’illustrer. Dune vous explique tout.
Historique
Une personne cachée derrière un compte anonyme Instagram envoyait des messages privés à des utilisateurs du réseau indiquant qu’un photographe de leur connaissance était un « agresseur » et un « violeur » et en utilisant d’autres termes orduriers.
Ces propos nuisant à la réputation du photographe, celui-ci a souhaité contraindre Facebook Ireland Limited — qui exploite la plateforme Instagram en Europe — à lui fournir l’identité de la personne titulaire de ce compte Instagram anonyme ainsi que les messages adressés aux utilisateurs d’Instagram au moyen de ce compte anonyme.
Comment obtenir la levée de l’anonymat d’un utilisateur d’Instagram ?
La procédure à suivre pour obtenir la levée de l’anonymat d’un auteur d’un contenu illicite en ligne a fait l’objet d’une réforme en 2021.
Avant 2021, le demandeur pouvait saisir le Tribunal Judiciaire au moyen d’une procédure de référé ou d’une procédure sur requête. La procédure sur requête est une procédure rapide et non-contradictoire c’est-à-dire que la personne visée par la requête (par exemple, l’hébergeur du contenu illicite) n’est pas entendue par le Juge et ne peut se défendre.
Depuis le mois d’août 2021, la loi prévoit que le président du Tribunal Judiciaire ne peut être saisi que par la nouvelle procédure accélérée au fond. Cette procédure est une procédure de référé, qui est contradictoire, c’est-à-dire que la personne visée dans l’assignation pourra se défendre et être entendue devant le Juge.
Au cas présent, le photographe a dû assigner Facebook Ireland Limited en référé selon cette nouvelle procédure, contradictoire. Facebook Ireland Limited a contesté la demande, principalement au motif que le Tribunal Judiciaire de Paris était incompétent pour ordonner des mesures devant être exécutées hors de France, car France Ireland Limited est immatriculée en Ireland.
Cependant, le Tribunal se déclare compétent, considérant que le service est fourni en France et les messages envoyés à destination de lecteurs français.
Fondement de la levée d’anonymat
Sur le fond du dossier, le Tribunal concentre son examen sur les justificatifs produits par le demandeur à l’appui de sa demande de levée d’anonymat.
Le photographe, souhaitant agir contre l’auteur des messages Instagram, avait ainsi saisi le Juge des Référés sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile qui permet, s’il existe un motif légitime, d’ordonner des mesures d’instruction pour établir des preuves avant tout procès.
Le Tribunal admet que les faits dont se prévaut le photographe, étayés par des captures d’écran des messages et une attestation d’un témoin, constituent un motif légitime pour obtenir la communication des données d’identification de l’auteur du compte Instagram.
Il considère également que le droit de la preuve pour entreprendre le procès envisagé par le photographe doit prévaloir sur l’anonymat du compte Instagram litigieux.
En revanche, le Tribunal a considéré que la demande d’obtention des communications adressées aux utilisateurs d’Instagram par ce compte anonyme formulée par le photographe n’était pas légalement admissible puisqu’elles relèvent du secret des correspondances.