La protection d’une couleur par le droit de la propriété intellectuelle peut apparaître impossible. Pourtant, il existe plusieurs moyens permettant cette protection. Yves Klein a protégé son célèbre bleu sous enveloppe Soleau, et le droit des marques permet également de protéger une couleur, bien que les exigences pour obtenir cette protection soient de plus en plus strictes.
Ainsi, le Tribunal de l’Union Européenne s’est récemment prononcé sur le sujet assez controversé des marques de couleur.
Sommaire de l’article :
- Le cadre légal
- Cas Pratique : la marque Veuve Clicquot
Le cadre légal
Selon le Code de la Propriété Intellectuelle, « les signes figuratifs tels que (…) les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs » peuvent constituer des marques[1]. En d’autres termes, la marque de couleur est une représentation d’une nuance de couleurs ou de combinaison de couleurs.
Mais encore faut-il que ces derniers soient pourvus du caractère distinctif exigé par la loi, c’est-à-dire qu’ils permettent à un consommateur d’identifier l’origine commerciale des produits ou services qui en sont couverts par rapport à ceux des concurrents.
L’utilisation d’une couleur peut-elle être considérée comme suffisamment distinctive pour identifier les produits ou services d’une société ? Plus précisément, ce caractère distinctif peut-il s’acquérir par l’usage ?
[1] Article L-711-1 du Code de la propriété intellectuelle
Cas Pratique : la marque Veuve Clicquot
En l’espèce, la demande d’enregistrement de la marque contestée incluait un échantillon de couleur orange et la description suivante : « la protection [était] revendiquée pour la couleur orange dont la définition scientifique sui[vait]t : coordonnées trichromatiques/caractéristiques colorimétriques : x 0,520, y 0,428 – facteur de réflexion diffuse 42,3 % – Longueur d’onde dominante 586,5 mm – Pureté d’excitation 0,860 – Pureté colorimétrique : 0,894 ».
Si le titulaire a réussi à défendre sa marque en première instance, le Tribunal de l’Union Européenne a remis en question son caractère distinctif dans une décision du 6 mars 2024 (T-652/22).
Le différend portait notamment sur la capacité du titulaire de la marque à prouver son caractère distinctif acquis par l’usage à travers l’Union Européenne.
La chambre de recours de l’Office européen des marques avait conclu qu’il n’y avait aucun doute quant à ce caractère distinctif acquis.
Cependant, le Tribunal de l’Union Européenne a annulé cette décision, estimant que les preuves produites aux débats (volumes de vente, budget promotionnel, parts de marché, etc.) étaient « indirectes » et ne permettaient pas de conclure que la marque était « de nature à identifier les vins des campagnes concernées comme provenant d’une entreprise déterminée ».
Ainsi, le Tribunal a jugé qu’il n’était pas possible de conclure que cette marque avait acquis un caractère distinctif par son usage dans les pays visés, en l’occurrence au Portugal et en Grèce.
Cette décision permet de souligner les difficultés que peut rencontrer le titulaire d’une marque, peu importe la notoriété des produits et services visés par celle-ci, lorsqu’il s’agit de prouver qu’elle a réussi à acquérir un caractère distinctif par l’usage.
Ces difficultés sont d’autant plus fortes lorsque la marque déposée est une couleur car il sera nécessaire de démontrer que cette couleur spécifiquement permet au public pertinent d’associer le produit à son origine commerciale.
Les titulaires de marques doivent être conscients des défis liés à la protection des couleurs et s’efforcer de collecter des preuves tangibles de l’usage distinctif de leur marque. Pour un accompagnement personnalisé, contactez le cabinet Dune.