Le monde des affaires peut parfois ressembler à un véritable Far West. Les entrepreneurs sont souvent confrontés à des contrats complexes et à des négociations ardues. Dans cet univers impitoyable, les contrats sont des armes qu’il convient de manier avec précaution, surtout quand il s’agit de les dénoncer.
C’est l’histoire de notre nouveau client « mystère », un « killer de contrats » repenti qui a accepté de partager son expérience avec Dune, sous couvert d’anonymat.
Dune sait conserver les secrets, et ne peut jeter l’opprobre sur ses propres clients. Découvrez notre interview (presque) imaginaire : un client nous a-t-il répondu sous couvert d’anonymat ou avons-nous tout inventé ? À vous de juger, d’aucuns pourraient se reconnaitre…
Dune : comment avez-vous pris conscience de l’importance du mécanisme de résiliation des contrats ?
J’ai créé une société dans le domaine de la joaillerie. Pour cette activité, j’étais en contact avec des distributeurs, des free-lances, des agents commerciaux, etc.
Au départ, je n’avais pas prêté une attention particulière aux contrats conclus par ma société. Lorsqu’on me demandait un contrat, j’avais recours à d’anciens contrats ou à des modèles que j’adaptais moi-même. Hors de question d’y consacrer du budget !
Plus l’activité de ma société se développait, plus mes relations d’affaires s’étendaient avec de nouveaux contrats ou des contrats qui se renouvelaient.
Je n’avais aucune organisation dédiée : je ne conservais pas les contrats, qui n’étaient pas classés. Certains étaient dans ma messagerie mais à la suite d’une mauvaise manipulation de mon prestataire informatique, ils ont été supprimés. D’autres étaient stockés dans un dossier sur mon disque dur mais celui-ci a crashé.
J’en suis arrivé à un stade où je n’avais aucun contrôle sur les engagements pris par ma société. Lorsque je décidai d’arrêter une relation d’affaires, je contactai mon interlocuteur pour lui annoncer et ça a fonctionné dans un premier temps.
Mécontent des services de mon distributeur aux États-Unis, je lui ai téléphoné début 2022 pour rompre notre relation d’affaires. Mais les choses ne se sont pas passées comme je l’aurais souhaité… Cela a affecté mes activités car j’ai dû y consacrer du temps et engager des frais que je n’avais pas anticipés.
Dune : pouvez-vous nous raconter en détail votre expérience de résiliation qui s’est mal passée ?
Lorsqu’il a été informé de ma décision de résiliation, mon distributeur américain a contesté en évoquant notre contrat et en disant que je n’en respectai pas le préavis contractuel de 8 mois.
[NDLR : les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Dans les contrats à durée indéterminée, chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues et sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, dans un délai raisonnable.]
J’ai dû rechercher le contrat signé avec lui, ce qui m’a pris déjà plusieurs jours.
Ce contrat comportait une clause de résiliation que je n’avais pas négociée lorsque j’avais signé le contrat. Il y avait un mécanisme qui était décrit pour le résilier que je n’avais clairement pas respecté.
Peu de temps après, j’ai reçu une lettre de l’avocat de mon distributeur qui me mettait en demeure de payer les factures en souffrance depuis 4 mois, sans pour autant évoquer la rupture à mon initiative.
Je lui ai répondu que les factures étaient contestées et que j’avais rompu le contrat.
Elle m’a répondu pour me dire que le contrat n’était pas résilié et que je devais régler les factures, faute de quoi elle saisirait le tribunal.
Je n’ai pas réagi malgré la réception d’une assignation en référé-provision me convoquant à une audience à laquelle je ne me suis pas présenté.
Quelques semaines plus tard, un commissaire de justice a déposé au siège social de ma société une décision qui la condamnait à des sommes équivalentes aux factures impayées, y compris celle durant le préavis contractuel de 8 mois que je n’avais pas exécuté, et à des frais d’avocats, dont le montant était élevé.
[NDLR : si le préavis contractuel n’est pas exécuté, le risque est que la partie défaillance soit condamnée par une juridiction à indemniser la partie non défaillante.]
Encore une fois, je décidais de faire traîner convaincu que mon ancien distributeur n’avait pas de moyen de pression.
J’ai été très agacé de recevoir un appel de mon banquier m’indiquant qu’une saisie-attribution avait été pratiquée sur mes comptes bancaires à quelques jours du début d’une due diligence pour une levée de fonds.
C’est à ce moment que j’ai contacté un avocat pour lui transmettre les éléments du dossier et lui demander de l’aide pour faire annuler cette saisie.
En prenant connaissance du dossier, il m’a interrogé sur le stock de marchandises confiées à mon distributeur aux termes du contrat.
J’avais complètement oublié cet aspect et une partie de mes marchandises était toujours détenue par mon distributeur.
Non seulement j’ai perdu de l’argent mais je n’avais aucune garantie de retrouver mon stock.
J’avais l’impression d’être passé à côté de ma défense par mon inaction et de ne pas avoir exploité la mauvaise foi de mon distributeur, qui avait gardé sous silence qu’il détenait encore du stock. J’ai dû engager une procédure pour reprendre la main sur mon stock.
Dune : Comment pensez-vous que l’implication d’un avocat plus tôt aurait pu aider ?
Cette affaire m’a amené à repenser mes contrats : de leur négociation jusqu’à leur résiliation.
L’implication d’un avocat lors de la négociation m’aurait permis de comprendre ce à quoi je m’engageais pour l’avenir.
Il m’aurait alerté sur les risques de mes engagements et m’aurait renseigné sur les pratiques habituelles en droit des contrats.
Avant de résilier, j’aurais pu soumettre le contrat à mon avocat qui m’aurait rappelé les conditions de résiliation.
J’aurai pu tenter d’éviter une procédure qui m’a coûté financièrement et espérer récupérer plus rapidement mon stock.
A présent, j’ai amélioré le classement des contrats et leur archivage. Je suis plus vigilant sur les délais pour les résiliations. Sur les conseils de mon avocat que je n’hésite plus à solliciter, je note les délais pour les résiliations dans mon calendrier.
[NDLR : pour plus de bonnes pratiques pour vos contrats, cf. Dune.]