Dans un arrêt du 16 mars 2021, la Cour de Cassation a réaffirmé un principe jurisprudentiel dans l’administration de la preuve : la production en justice de bulletins de salaire intégraux sans l’accord préalable des salariés concernés doit être nécessaire et proportionnée.
Dans cette affaire, une salariée opposait à son employeur une discrimination en raison de son sexe. Cette dernière avait alors saisi la juridiction prud’homale en référé sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile en vue d’enjoindre son employeur à produire les bulletins de salaire de dix salariés masculins de l’entreprise. Il s’agissait pour la salariée d’obtenir des preuves essentielles à son argumentaire sur la discrimination.
La formation de référé du Conseil de Prud’hommes a fait droit à cette demande et a ordonné à l’employeur de communiquer les bulletins des salariés de sexe masculin ; cependant, la Cour d’Appel de Grenoble a infirmé cette décision.
L’arrêt d’appel retenait que les données personnelles d’un bulletin de paie (âge, salaire, adresse personnelle et domiciliation bancaire) justifiaient que l’employeur sollicite l’autorisation préalable des salariés concernés avant toute communication à la juridiction et à la salariée requérante.
Un raisonnement que censure la chambre sociale de la Cour de Cassation au visa de l’article 6 §1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
Les Hauts magistrats invitent alors les juges du fond à opérer un contrôle de proportionnalité entre d’une part, le respect du droit à la vie privée des salariés concernés et d’autre part, l’exercice du droit de la preuve par la salariée requérante.
Pour la Cour de Cassation, la communication de bulletins de salaire non-anonymisés sans l’accord préalable des salariés intéressés doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination en raison du sexe et proportionnée aux intérêts antinomiques des parties.
En l’espèce, la remise de ces documents était le seul moyen pour la salariée de prouver la discrimination dont elle prétendait être la victime.