Un dépôt de marque peut-il, en soi, être constitutif d’une contrefaçon d’une marque antérieure identique ou similaire ? La Cour de Cassation vient de répondre à cette question largement débattue.
Contrefaçon et dépôt de marque ou le casse-tête des juges
Le Tribunal de Grande Instance et la Cour d’Appel de Paris ont souvent jugé que pour caractériser des actes de contrefaçon de marque, il était nécessaire de démontrer un usage commercial de la marque, et que donc un simple dépôt de marque ne pouvait pas constituer une contrefaçon. Les juges indiquaient en effet qu’un dépôt n’était pas un acte mettant en contact le public avec le signe concerné pour les produits ou services désignés.
Dans le même temps, la Cour de Cassation a, à plusieurs reprises, considéré qu’un dépôt de marque, même enregistrée, pouvait constituer un acte de contrefaçon à l’encontre d’une marque antérieure, peu important son utilisation commerciale effective sur le marché concerné.
La fin d’un désaccord
La Cour de Cassation vient mettre fin à cette discordance par deux arrêts du 13 octobre 2021 en suivant la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE »). Elle décide qu’un dépôt de marque ne constitue pas un usage en l’absence de tout début de commercialisation des produits et services visés par la marque contestée. Elle précise qu’à ce titre, aucun risque de confusion ne peut être constitué auprès du public écartant toute atteinte à la marque antérieure. Elle écarte la caractérisation d’acte de contrefaçon par le dépôt de marque contestée.
La Cour opère donc un revirement de jurisprudence en suivant la position de la CJUE et rappelle que les critères de la contrefaçon de marque sont cumulatifs :
-Absence d’autorisation du titulaire de la marque antérieure et
-Utilisation commerciale de la marque sur le marché concerné pour des produits et services identiques à ceux de la marque antérieure et
-Constitution d’un risque de confusion entre les marques dans l’esprit du public.
La Cour considère donc que le dépôt de marque ne constitue pas un usage dans la vie des affaires.
Une apparente restriction mais une position justifiée
Cette approche peut paraitre restrictive pour les titulaires antérieurs. En effet, désormais aucune contrefaçon ne pourra être caractérisée en l’absence d’exploitation du signe contesté même enregistré.
Toutefois cette décision permet à la Cour de Cassation de s’aligner sur la position de la CJUE. La Cour adopte donc une approche plus « fonctionnelle » de la marque à savoir qu’en l’absence de commercialisation des produits ou services sous la marque contestée, aucun risque de confusion ne pouvait être constitué dans l’esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque n’était constituée.
Reste aux titulaires antérieurs, la possibilité de s’opposer au dépôt de marque contestée ou de demander la nullité de la marque enregistrée.