Au cours des 5 dernières années, les plateformes comme Uber ou Deliveroo ont mis en relation des travailleurs indépendants avec des particuliers, grâce à leur plateforme numérique.
Ces plateformes ont fait exploser l’auto-entreprenariat et fait naitre un large contentieux aux fins de requalification en contrat de travail.
Dans un arrêt du 4 mars 2020, la Cour de Cassation rappelle une nouvelle fois que dès lors que ces travailleurs sont placés dans un lien de subordination, il s’agit de salariat. Les chauffeurs de Uber parties à l’instance ont obtenu la qualité de salarié.
Nouveau modèle économique et droit du travail
Depuis 2008 et la création du statut d’auto-entrepreneur, devenu micro-entrepreneur, le nombre de travailleurs indépendants n’a cessé d’augmenter : ils représentent aujourd’hui 42 % des non-salariés.
Grâce à ce statut, les micro-entrepreneurs bénéficiaient d’une présomption selon laquelle ils n’étaient pas liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de leur activité professionnelle.
Dès lors que l’activité donnait lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Urssaf pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales, le travailleur était indépendant et non salarié.
Ainsi, le modèle économique des plateformes numériques consistait à mettre en relation des particuliers et des travailleurs qui n’étaient pas soumis à la législation des salariés pour le paiement des cotisations et charges sociales.
Position de la Cour de Cassation
Ce n’est pas la première fois que la Cour force l’application de la législation de sécurité sociale en estimant qu’il y a contrat de travail entre un prestataire et un donneur d’ordre : en 2000, elle avait déjà considéré que des locataires de « véhicules équipés taxis » étaient des salariés ; en 2013, que des participants de télé-réalité étaient liés à la société de production par un lien de subordination.
Le 4 mars 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt retentissant en considérant que la relation de travail liant un chauffeur à Uber était un contrat de travail.
Elle rappelle que l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité professionnelle est exercée. En l’espèce :
– Le chauffeur ne fixait pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, entièrement régis par la société ;
– les tarifs étaient contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme ;
– le chauffeur ne connaissait parfois pas la destination de la course et il ne pouvait pas réellement choisir librement, comme l’aurait fait un chauffeur indépendant ;
– il pouvait être déconnecté temporairement de l’application à partir de trois refus de courses.
Dans ces conditions, le lien de subordination était constitué : la société avait adressé des directives au chauffeur et en avait contrôlé l’exécution en exerçant un pouvoir de sanction.
Les conséquences financières pour Uber ne sont pas des moindres, toute la législation sociale doit s’appliquer à ces salariés : rappels de salaires, versement de cotisations sociales correspondantes, bénéfice des congés payés, heures supplémentaires, etc.