Le 24 novembre 2021, la Cour de Cassation a confirmé la restitution d’un tableau contrefaisant d’une œuvre de Marc Chagall à son propriétaire et rejeté la demande de destruction pourtant autorisée en matière de contrefaçon. Dune vous explique les raisons.
Une œuvre jugée contrefaisante
Un tableau intitulé « Femme nue à l’éventail », présenté comme une autre version du tableau du même nom de Chagall conservé au Centre Pompidou, a été confié par son propriétaire au Comité Marc Chagall pour procéder à son authentification. Le Comité déclarait ce tableau faux. Le Comité et les héritiers de l’artiste assignaient le propriétaire en contrefaçon et sollicitaient la destruction du tableau comme le permet le Code de la Propriété Intellectuelle (le « CPI »).
En 2017, le Tribunal de Grande Instance de Paris jugeait effectivement que l’œuvre était une contrefaçon et ordonnait sa destruction. Le propriétaire formait appel de cette décision. La Cour d’Appel confirmait le caractère contrefaisant du tableau mais considérait que la mesure de destruction était disproportionnée. Elle ordonnait alors la restitution du tableau à son propriétaire et l’apposition « de manière visible à l’œil nu et indélébile » de la mention « REPRODUCTION » au dos du tableau.
Les héritiers et le Comité ont contesté cette décision devant la Cour de Cassation.
La contrefaçon d’une œuvre n’empêche pas son propriétaire de la conserver
Les héritiers considèrent que la Cour d’Appel a opposé (i) leurs droits de propriété licites (ii) au droit de propriété illicite du détenteur du tableau contrefaisant. Or une telle mise en balance ne devrait être faite qu’entre des droits licites. La Cour de Cassation rejette cet argument.
Les héritiers et le Comité indiquent encore qu’un acte de contrefaçon doit être sanctionné conformément aux dispositions applicables en la matière, or l’apposition de la mention « REPRODUCTION » ne constituerait pas une sanction au sens du CPI. La Cour de Cassation rappelle qu’une telle appréciation relève de l’appréciation de la Cour d’Appel. Cette apposition constitue donc une sanction au sens du CPI puisqu’elle permet d’exclure le tableau des circuits commerciaux et de faire cesser les actes de contrefaçon.
La délicate application des mesures correctives par les juges
Cette décision semble permettre d’équilibrer les droits des parties. En effet le propriétaire qui détient légitimement une œuvre, même contrefaisante, peut la conserver, dès lors que celle-ci ne saurait être confondue avec l’original, ici grâce à la mention « REPRODUCTION ».
La question de ces sanctions n’est pas nouvelle et la Cour d’Appel fait preuve d’imagination en la matière. Déjà en 2013, elle avait ordonné que soit découpée la signature d’un tableau contrefaisant restitué à son propriétaire.